Madame Annie LE HOUEROU

 

Députée Maire de GUINGAMP

1, rue des Carmélites

22200 GUINGAMP

Objet : reconstitution de carrière des agents fonctionnaires

en activité à La Poste et France Telecom

Madame,

 

J’ai l’honneur de soumettre à votre sagacité un examen attentif d’un nœud juridique que constitue la reconstitution de carrière des agents fonctionnaires placés en activité à La Poste et France Télécom.

En préalable, avant de vous exposer ce problème sur le fond, il m’apparait indispensable de vous instruire sur le déroulement des faits.

 

  1. LA TRANSFORMATION DE L’ADMINISTRATION DES PTT (Poste et Télécommunications) ;

 

La transformation du Service Public de l’Administration des Postes et Communications (PTT) résulte de la Loi n°90-558 du 02 Juillet 1990.

A cette époque, les Parlementaires n’avaient pas jugé nécessaire de soumettre cette Loi

à l’approbation du Conseil Constitutionnel.

A compter du 1er Janvier 1991, cette Loi a donné naissance à deux exploitants publics distincts, France Telecom d’une part et La Poste d’autre part, placés sous la tutelle du Ministre chargé des Postes et Télécommunications.

 

  1. SITUATION DES PERSONNELS

 

Sous l’empire de cette Loi, l’ensemble des fonctionnaires de l’Etat, Titulaires de l’Administration des PTT, en vertu de l’article 44, ont été placés sans changement de leur position statutaire, respectivement au sein de l’un ou l’autre de l’Etablissement Public.

Parallèlement et sans lien avec l’article 44, la Loi (articles 29 à 33) a créé un statut particulier pour le personnel propre aux deux établissements qualifiés d’EPIC par la Cour de Cassation et du Conseil d’Etat.

Conformément au rapport Prévot et aux travaux préparatoires de la Loi, l’Article 44 de la Loi du 02 juillet 1990 a créé un droit implicite d’option, laissant le choix aux agents des PTT d’être recrutés ou non par l’EPIC dans lequel la Loi les a placés de plein droit et sans changement statutaire.

Ainsi l’option offerte aux fonctionnaires des PTT a alors été la suivante :

 

  • Soit accepter la proposition d’intégration telle que prévue par les dispositions du Décret du 25 Mars 1993 qui les qualifiaient correctement d’agents « reclassifiés »

.

  • Soit d’être maintenus sur leurs grades d’origines des PTT et qualifiés du terme obscur de « reclassés ».

 

Depuis lors, coexistent au sein des deux EPIC des personnels soumis à un statut hybride

de droit public et de droit privé appelés les « reclassifiés » et les fonctionnaires de l’Etat titulaires de l’administration des PTT, illégitimement rebaptisés de « reclassés ».

 

  1. LES FAUTES COMMISES PAR L’ETAT ,LA POSTE ET FRANCE TELECOM ;

 

Le maintien du grade d’origine des agents dits « reclassés » auraient du leur maintenir le bénéfice des dispositions du statut de la fonction publique d’Etat.

 

Dès 1991, La Poste et France Télécom se sont réfugiés derrière la Loi de 1990 qui leur interdisait tout recrutement sur les grades originels des PTT pour s’exonérer de mettre en œuvre, conjointement avec l’Etat-employeur des promotions internes suivant les formalités propres à la Fonction Publique.

 

Dans le seul but d’inciter les agents à opter pour les corps de l’EPIC « reclassifiés » dès 1991, La Poste et France Telecom décidèrent de bloquer le déroulement normal des carrières des agents de l’Etat.

 

Cette situation de blocage a perduré jusqu’en 2004 à France Telecom (la juridiction administrative le considère ainsi depuis le décret du 25 Novembre 2004) et en 2009 à La Poste suite aux arrêts des 07 mai et 11 Décembre 2008 rendus par le Conseil d’Etat.

 

L’arrêt du 07 Mai 2008 stipule «  l’absence de recrutement externe n’est pas un obstacle pour La Poste d’organiser la promotion des agents reclassés sur des grades de reclassement ». L’arrêt du 11 Décembre 2008 « donnait injonction à La Poste d’organiser des listes d’aptitude dans un délai de neuf mois ».

Il convient, ici, de souligner la réticence des deux exploitants publics EPIC, devenus sociétés anonymes, d’assurer les promotions des agents « reclassés » malgré le Décret de 2004 à France Télécom et les arrêts du Conseil d’Etat pour La Poste.

 

En effet, le décret de 2004 à France Télecom, s’applique avec parcimonie au mépris de toutes les règles d’avancement liées au statut de la Fonction publique.

Les commissions paritaires mises en place en 1994 pour chaque corps de fonctionnaire, ont été utilisées uniquement à des fins disciplinaires et n’ont pas été réunies chaque année, pour l’élaboration des tableaux d’avancement de grade et listes d’aptitude, tel que l’oblige les dispositions du titre I et II rappelées dans l’article 29 de la Loi n° 90-568 et auquel demeurent soumis les personnels fonctionnaires maintenus en activité à France Télécom.

A La Poste, les promotions sur liste d’aptitude s’exercent dans une parfaite discrimination assurant une moyenne de promotion de 2 % par an depuis 2010, sans rattrapage depuis 1991 pour les « reclassés » contre 8 % aux agents « reclassifiés ».

 

 

  1. LES ACTIONS DES FONCTIONNAIRES

 

Dès 1993, l’Etat, La Poste et France Télécom ont été alertés par les Organisations Syndicales et par de multiples interventions des fonctionnaires. Les archives des différentes législatures, depuis cette date, contiennent de nombreuses questions orales adressées aux parlementaires.

 

Ceux-ci ont tous conscience de la gravité du problème posé, mais les différents gouvernements n’ont jamais fait évoluer la situation, malgré les rapports accablants (rapport Larcher).

Dès lors, se sont constituées des associations de défense des agents sur cette problématique. Les interventions se sont multipliées sans plus de résultats.

 

Dès sa création en 2002, notre association, est également intervenue sous différentes formes. Mais devant l’immobilisme de l’Etat, la faillite de son exercice de tutelle, nous avons déposé par l’intermédiaires de notre Conseil, 101 recours devant 10 tribunaux administratifs et notamment 72 au T.A de Rennes.

 

Depuis les années 2000, 600 recours ont ainsi été déposés devant la juridiction administrative sur les 17 000 agents (reclassés) recensés alors à La Poste et France Telecom.

 

 

  1. LES DECISIONS DE LA JUSTICE ADMINISTRATIVE

 

 

Pour nos 101 recours, tous les tribunaux administratifs ont rendus une même décision « l’indiscutable faute commise conjointement par l’Etat, La Poste et France Telecom sur le blocage de carrière ».

 

Pour tous, le préjudice moral alloué varie de 1000 à 5000 €. En outre, pour 16 requérants, le préjudice de carrière a été indemnisé pour des montants compris entre 3000 et 25 000 euros.

 

Mais la reconstitution de carrière réclamée par notre Conseil a été déboutée. Cette demande à ce jour n’est d’ailleurs pas admise encore par le Conseil d’Etat.

 

En 2010, lors de l’examen du projet de Loi relatif au passage de La Poste en société anonyme à capitaux publics, certains Sénateurs et Députés, conscients du blocage de carrière imposés aux fonctionnaires de La Poste et reconnue illégale par la juridiction administrative, avaient proposé l’adoption d’amendements tendant « au déroulement normal de leur carrière, conformément aux textes des Lois réglant le statut de la Fonction Publique ».

 

Ces articles additionnels devaient ainsi imposer à La Poste une reconstitution de carrière des agents ayant optés pour un maintien sur leur grade de reclassement et privés depuis 1993, de leurs droits à promotions internes.

 

Mais, à la suite de l’audition de Mr le Président de La Poste devant la commission des lois de l’Assemblée Nationale, les Députés supprimèrent ces deux amendements. Monsieur Bailly situait le coût de leurs applications à hauteur de 100 millions d’euros. Ainsi de manière implicite, il reconnaissait une spoliation moyenne subie par chaque agent, de 15000 euros.

Ainsi donc, nos élus, chargés d’élaborer les Lois dans l’intérêt général et la Justice, furent plus sensibles aux arguments mercantiles déployés par le seul Président d’un EPIC plutôt qu’animés à réparer leurs fautes commises à l’égard de milliers de fonctionnaires.

 

A cela il découle et s’ajoute le préjudice de retraite, le Rapporteur de la Loi postale globalisait le tout à 75 000 euros en moyenne par fonctionnaire.

 

Seule à ce jour, la Justice a permis une évolution de la situation en reconnaissant la faute de l’Etat, La Poste et France Télecom dans le déroulement de leur carrière.

Il demeure donc le problème de la reconstitution de carrière.

 

En outre, il convient d’ajouter que ces fonctionnaires d’Etat n’ont pu bénéficier des réformes des catégories « b » et « C » de la Fonction Publique ordonnées par le décret du 27 Novembre 2006 n° 2006-1459.

 

Notre association avait d’ailleurs soutenus 30 de ses adhérentes devant le TA de Rennes pour la non application par La Poste de la réforme de la catégorie « C ».

 

Lors de l’audience, le Commissaire au Gouvernement rejetait cette demande et précisait « il appartient au pouvoir législatif de régler cette situation….. Il vous appartient d’intervenir auprès de vos élus et d’user de votre bulletin de vote ( (Mr Maréchal, commissaire au TA de Rennes 1er mars 2012) » Dans son délibéré, le tribunal, le 29 mars 2012, le suivait dans ses conclusions.

 

  1. RECONSTITUTION DE CARRIERE

 

Les principes directeurs sur la reconstitution de carrière ont été établis par une jurisprudence ancienne. Les motifs de l’arrêt du Conseil d’Etat « Rodière » du 26 décembre 1925 (recueil Lebon 1065) constitue » une véritable théorie de la reconstitution de carrière ».

 

Par l’arrêt Rodière, le Conseil d’Etat a ainsi consacré l’idée que tout fonctionnaire avait droit au déroulement normal de sa carrière. En outre, notre haute juridiction a plusieurs reprises a borné de manière précise les reconstitutions de carrière en matière d’avancement d’échelon et promotion au choix. (21 mai 2008 – St Loupt n° 288541 ; 09 novembre 1954 Sansonetti, recueil Lebon 582 ; 09 novembre 1958 Moizant).

 

Il demeure cependant, qu’au regard des textes juridiques, l’obligation de prendre l’avis des commissions paritaires telles qu’elles étaient instituées et composées à la date des faits (Conseil d’Etat arrêt Fontaine) nuancé par l’arrêt Colona (14 Février 1997 Lebon n) 38) ne règle pas les difficultés soulevées par la rétro-activé des mesures de reconstitution de carrière, en particulier lorsqu’elles portent sur une période longue.

 

En conséquence, il appartient au législateur d’intervenir et de modifier les textes en vigueur afin que le Conseil d’Etat par suite de nos décisions favorables obtenues devant la juridiction administrative, ordonne une reconstitution de carrière desdits « reclassés » fonctionnaires en activité à La Poste et France » Telecom.

 

  1. CONCLUSION

 

J’ai tenté de vous résumer de manière très succincte le « parcours du combattant » de ces fonctionnaires de l’Etat depuis plus de 20 ans. Ces serviteurs de l’Etat, imprégnés de la culture du service publique demeurent désemparés devant le comportement de l’Etat patron.

Le respect des lois, des codes, des statuts est la base d’un état de droit. La Loi de 1990 a engendré des décrets d’application non contestés par le CONTROLE PARLEMENTAIRE . Le pouvoir règlementaire a pris le pas sur le pouvoir législatif.

Cette dérive menace la démocratie et la République.

 

Je sais que vous apporterez la plus grande attention à l’étude de ce dossier, véritable détournement de pouvoir et spoliation de l’Etat envers ses agents. Je compte sur vous pour prendre une initiative parlementaire tendant à rendre justice à ces fonctionnaires pénalisés par le seul fait même d’avoir souhaité demeurés des agents au service de l’Etat et ainsi les rétablir dans leurs droits.

 

Dans l’attente, je vous prie de croire, Mme la Députée Maire, en l’assurance de ma plus haute considération.

 

 

A Pédernec le 1er octobre 2012

 

Pour l’ASD, le Président,

Alain COATLEVEN

 

PS : J’adresserai une copie de cette lettre dès le 25 Octobre aux membres du Pouvoir exécutif et législatif dont vous trouverez la liste en pièce jointe.

 

Copie de votre lettre adressée le 25 Octobre aux élus suivants :

 

  1. Mr le Président de la République

  2. Mr le Premier Ministre

  3. Mme la Ministre de la Fonction Publique

  4. Mr le Ministre du Redressement Productif

  5. Mr le Président du Sénat

  6. Mr le Président de l’Assemblée Nationale

  7. Mr le Président de la Commission des Lois Assemblée Nationale

  8. Mr le Président du Groupe Socialiste, Assemblée Nationale

  9. Mr le Président du Groupe Front de Gauche, Assemblée Nationale

  10. Mr le Président du Groupe Ecologie les Verts, Assemblée Nationale

  11. Mr le Président Groupe Socialiste ; Sénat

  12. Mr le Président Groupe Front de Gauche, Sénat

  13. Mr le Président Groupe Ecologie les Verts,Sénat

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